La sécurité à travers les âges
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes dans le secteur de la construction ? Nous sommes curieux de voir ce que les candidats du jeu Septante et Un auraient répondu ! Ces erreurs sont-elles évidentes ? Y a-t-il eu des changements ? Nous posons la question à notre spécialiste : Danny Van Overmeire, conseiller bien-être chez Constructiv Oost-Vlaanderen.
M. Van Overmeire, quel est précisément votre travail, pouvez-vous nous le présenter ?
« En tant que conseiller chez Constructiv Oost-Vlaanderen, je visite les chantiers et je donne mon avis sur place sur les bonnes méthodes de travail, plus sûres. J’organise également des conférences et des séances d'information dans les entreprises sur la sécurité au travail. Le point de départ est toujours la prévention : il faut éviter les accidents. J’ai aussi travaillé 19 ans dans la construction. Je suis également pompier volontaire. D'ailleurs, ces deux fonctions ont un point commun : la sécurité. »
Est-ce que les travailleurs sur les chantiers suivent vos conseils ? Constatez-vous une différence entre les chantiers ?
« Heureusement, je peux dire que la plupart des gens prennent mes conseils à cœur, et les appliquent. C'est plus facile dans les grandes entreprises. La sécurité fait partie de leur politique, et ils disposent d'un conseiller en prévention qui veille à ce que tout se déroule bien. Chez les plus petites entreprises, c'est un peu plus difficile. Souvent, c'est une question de budget. Toutefois, ce montant est disproportionné par rapport au coût d'un accident de travail, qui augmente très vite. »
Que faites-vous si vous constatez des manquements ?
« Nous avons un rôle de conseiller, nous ne donnons pas de sanctions. Toutefois, nous prenons des rendez-vous avec les entrepreneurs, et une semaine plus tard, nous allons voir s'ils ont bien suivi nos conseils, sauf s'il s'agit d'un danger grave qui peut provoquer de lourdes blessures. Là, nous agissons immédiatement. Par exemple, si vous travaillez en hauteur sans protection collective. C'est très dangereux. Chez les grandes entreprises, nous discutons pour adapter leur politique de prévention. Chez les plus petites entreprises, nous discutons avec les travailleurs, mais c'est le gérant qui décide. Malheureusement, il n'est pas toujours présent. Par conséquent, nous communiquons et agissons moins vite.
Quelles sont les erreurs que vous constatez le plus souvent ?
« Sans aucun doute la mauvaise utilisation ou la mauvaise installation des engins de levage. C'est surtout la stabilité qui laisse à désirer. Je ne dois pas vous faire un dessin : un accident avec des telles machines a de graves conséquences. Nous constatons aussi des manquements au niveau des mesures de prévention des chutes. C'est d'ailleurs là qu'il y a le plus de victimes. Une chute de deux ou trois mètres a un impact majeur et provoque des blessures graves ».
Il s'agit là de blessures visibles. Y a-t-il des blessures invisibles ?
« Malheureusement oui. Par exemple, je pense à l'ingestion de matières toxiques, qui peuvent provoquer des cancers du poumon ou des silicoses. Nous nous concentrons actuellement sur la manipulation de la poussière de quartz et du dioxyde de silicium. Depuis peu, la poussière de quartz est inscrite sur la liste des matières cancérigènes de l'Union européenne. Si vous travaillez près de telles substances, vous devez porter un masque FFP3. Les tailleurs doivent également tenir compte des personnes qui travaillent autour d'eux, car elles peuvent aussi respirer ces substances. Il est donc essentiel de se coordonner avec ses collègues. À cause de la crise du COVID-19, il est devenu difficile de se fournir en masques corrects. Maintenant, l'approvisionnement a repris. »
Vous l'avez abordée. La crise du coronavirus. Vous arrive-t-il d'avoir des réactions négatives ou agressives lorsque vous insistez sur les mesures à prendre ?
« Pas du tout. Comme nous travaillons beaucoup en extérieur dans le secteur de la construction, il est facile de prendre ces mesures la plupart du temps. Si les travailleurs peuvent travailler à 1,5 m de distance, ils ne doivent pas porter de masque. Ce n'est pas possible ? Alors, il faut porter un masque. Et si je me rends sur un chantier où cette mesure n'est pas respectée, les travailleurs remettent leur masque sans rechigner quand je leur ai fait remarquer. C'est également le cas pour les casques. Je ne rencontre aucune résistance. Ce qui est dommage, c'est qu'ils le font parce que je le demande. Je préfère voir quelqu'un le faire de sa propre initiative - prendre des mesures préventives. »
Est-ce que les choses ont changé, en 19 ans d'expérience chez Constructiv ?
« C'est certain ! Surtout dans la construction résidentielle. C'est là que nous observons l'approche collective concernant la sécurité. L’utilisation d’échafaudages en est un bon exemple. Avant, le maçon installait son échafaudage. Et quand son travail était terminé, il remballait son échafaudage. Ensuite, le charpentier arrivait, aussi avec son propre échafaudage. Parfois, sur un même chantier, on pouvait monter ou démonter un échafaudage quatre fois ! Aujourd'hui, les différentes entreprises de construction concluent des accords à ce sujet, grâce à l'arrêté royal sur les ateliers mobiles temporaires. Elles construisent un seul échafaudage, qui reste installé tant que tous les travaux ne sont pas terminés. Quels sont les avantages ? C'est plus sûr, plus rapide, et plus rentable. »
Je n'ose presque pas le demander, mais est-ce que certaines personnes agissent encore comme des cow-boys dans notre secteur ?
« Je veux tout d'abord dire que l'immense majorité des entreprises de construction fait de son mieux. Elles adoptent une politique de prévention efficace, et font de la sécurité une priorité. Hélas, il y en a toujours certains qui ne respectent pas les règles. C'est une petite minorité, quelques personnes, mais elles existent. Leurs méthodes peuvent provoquer des accidents. Ce n'est pas facile et ce n'est pas toujours par manque de volonté. Beaucoup parlent une autre langue, ont d'autres normes, une autre culture. Et souvent, ils n'osent pas refuser le travail. »
Comment faites-vous alors ?
« Nous continuons à sensibiliser. L'essentiel est et continuera d'être de prévenir les accidents du travail et d'améliorer le bien-être au travail. Vous devez être capable de travailler en toute tranquillité. Vous êtes à 30 m de hauteur, et vous ne vous sentez pas en sécurité ? Ça ne va pas. Votre rendement diminue. Et cela a des conséquences financières. Pourtant, c'est surtout la souffrance humaine qui cause les plus grands dégâts. La perte d'un travailleur, la chute d'un collègue, c'est troublant. »
Vous en parlez ?
« Lors des séances d'information des jours de sécurité, je cite des cas concrets. Je connais un garçon de 24 ans qui s'est retrouvé paralysé de tout le bas du corps, après une chute. C'est très troublant. Vous ne pouvez plus rien faire, vous ne sentez plus rien, et vous êtes toujours dépendant des autres. Et en cas d'accident mortel, il y a toujours une période avant et une période après pour les proches. Un accident du travail ne touche pas seulement la victime. C'est d'autant plus douloureux quand il s'avère par la suite que cela ne devait pas arriver. Que vous auriez pu l'éviter en accordant une plus grande attention à la sécurité ».
Pour finir, comment voyez-vous l’avenir ?
« Très positif ! Ces dernières années, notre secteur s'est bien rattrapé. Pour beaucoup, la sécurité et la prévention sont aujourd'hui une priorité. Les formations sont également en plein essor dans notre secteur. L'espoir est de mise. Car ma mission est d'emmener tout le monde à sa pension en toute sécurité. Pour qu'après leur carrière, ils puissent effectivement profiter de toutes les grandes et petites choses dont ils rêvent depuis des années ».